Quitte ou double [Terminé]

[Précédent->Soirée improvisée]

10h00. Tandis que la matinée était déjà bien avancée et le soleil déjà haut dans le ciel, Seiko parcourait au pas de course les rues de la Cité, tentant vainement de réchauffer ses bras nus exposés à la morsure délétère de la fraîcheur matinale. Le vent lui soufflait en pleine face, comme pour le dissuader d’aller de l’avant et l’inciter à revenir en arrière sans tenter l’impossible, comme pour lui démontrer que son acte était stupide et qu’il se précipitait aveuglément comme un mouton pour l’holocauste. Têtu, le jeune homme avançait contre cette force invisible, les sourcils arqués en un air insatisfait.

Bientôt il traversa toute la ville, ne croisant que de rares passants qui le regardait d’un air pudibond, hautain et sardonique. Le Déchu n’y fit pas attention. Il avait l’habitude qu’on lui jette de tels regards, qu’on le montre du doigt, il avait l’habitude de tous ces sarcasmes et des aspects caustiques de vannes lancées tout haut quand il était à proximité. Il en était ainsi. Ils étaient Anges, ou humains, lui était Déchu ; et il présentait que tant que durerait cette différence, c’est-à-dire éternellement, il ne pourrait pas vivre en communauté, ne trouvant du repos qu’avec ses paires. Ses autres. Ou plutôt, son unique autre, Zira, l’objet de tous ses feux.

**Ah…aucun doute, c’est ce bâtiment** pensa t-il en arrivant devant un immense édifice.

La construction était déjà imposante par sa largeur, mais il n’en était rien en comparaison de sa hauteur époustouflante. Elle s’élevait dans le ciel de ses proportions chimériques, et sa façade de verre réfléchissait le soleil et le bleu du ciel, lui donnant l’air de son fondre dans le décor. Seiko s’arrêta un instant, contemplant le sommet du bâtiment en sifflant d’un air admiratif. Puis il reprit sa marche et arriva devant l’entrée.
Là, il se retrouva comme deux ronds de flanc.
Il fallait un code, et il ne l’avait pas.
Il aurait du se douter que tout ne serait pas aussi simple. Le jeune homme poussa un soupir las et, observant les divers noms inscrits sur une liste apposée, pianota le numéro de l’appartement de la Protectrice des Anges. Il attendit ensuite qu’on lui réponde, réfléchissant aux événements qui allaient suivre.

La rumeur disait que les valeurs de Nathanielle n’étaient autre que probité et sens moral. Sei espérait qu’elle fut vraies, cela ne serait pas plus mal. Il se souvint avoir aperçu cette jeune femme lors de son procès, celui-là même qui avait déterminé son éjection hors de la Cité. Que pensait-elle de lui ? Allait-il lui faire bonne impression ? Le Déchu déglutit et, attendant avec angoisse le moment où la porte s’ouvrirait, lissa ses cheveux et remit en place les mèches rebelles.


[Réservé à Nathanielle jusqu'à son arrivée]

Quand la sonnerie annonçant que le mécanisme était dévérouillé retentit, Seiko poussa la porte du bâtiment et se lança aussitôt à l'assaut des marches, se demandant vaguement pourquoi la Protectrice des Anges n'avait pas de disposififs de sécurités tel que des caméras de surveillance vidéo ou encore des interphones. Mais il pensa amèrement que, contrairement à Zira qui elle, était crainte, Nathanielle était aimée et n'avait par conséquent pas à s'inquiéter à propos de sa sécurité.

Le jeune homme gravit de nombreux palliers en montant les marches quatres par quatres, ne voulant pas perdre de temps. Cependant au bout d'une dizaine de minutes il devait bien avouer que le souffle commençait à lui faire défaut. C'est donc haletant qu'il continua son ascension en jetant de temps à autre un regard vif par les fenêtres de la tour.

**J'aurais du d'abord regarder si il y avait un ascenceur...** pensa t-il amèrement en se tenant les côtes.

Le Déchu se demanda vagument si le fait que les couloirs de l'Ambassade étaient déserts était dû à l'heure matinale. Il n'y pensa plus et se concentra de nouveau sur sa montée. Sei n'était pas au bout de ses peines, mais après encore quelques efforts, il arriva enfin à l'étage en question dont il avait perdu le numéro trop élevé, dans un couloir vide qui faisait face à une grande baie vitrée. Là, il s'arrêta, le souffle coupé.

La vue était magnifique. Le soleil encore à l'Est éclairait une Cité des Anges s'éveillant doucement, ses bâtiments semblant s'étirer langoureusement dans une vallée chaude et gorgée de lumière. Tout là-bas, sur la Colline, il distingua l'Observatoire qui dressait sa haute silhouette et surplombait la ville. Il vit même, à l'écart, l'imposante demeur de Zira et ses façades de lambris immaculés, qui ramena en lui une foule de souvenirs heureux - et tristes.

Après avoir contemplé un moment le panorama, Seiko se tourna vers la seule porte du couloir et y frappa de trois petits coups secs et sonores.

**Bon...c'est l'heure des comptes...**

Nathanielle demeura de marbre devant Seiko ne sachant pas vraiment quoi dire. Elle cherchait plus ses mots qu'elle ne réfléchissait réellement. Cependant, il fallait qu'elle se montre intransigente et droite. Un rictus répprobateur de sa part accompagna la requête du jeune homme.

*Un entretien ? Est-ce aussi important que cela ?...*

L'expression de son visage se radoucit quelque peu. Elle ne pouvait lui fermer la porte au nez maintenant. Et puis étant donné son rang de Protectrice des Anges, elle ne pouvait en aucun choisir cette possibilité qui s'offrait pourtant irrésistiblement dans son esprit. S'il voulait lui parler, ce n'était pour quelque chose d'anodin. D'autant plus, qu'après lui avoir ouvert la porte de l'Ambassade, cela saurait été mal vu de le chasser. La prochaine fois, elle prendrait garde... Elle se mordit légèrement la lèvre inférieure en signe d'impuissance. Elle l'invita finalement à rentrer :

"Hum et bien dans ce cas, vous pouvez rentrer."

Nathanielle le laissa passer devant et referma la porte de ses appartements tout en se demandant sur quoi la discution allait tourner. Reposant furtivement son regard sur le canapé, elle constata que les tas de feuilles ne faisaient en aucun cas une belle décoration d'intérieur. Tout en soupirant doucement, elle s'excusa auprès de Seiko :

"Je suis désolée de ce désordre, je ne m'attendais à ce que quelqu'un me rende visite..."

Elle s'empressa d'empiler les papiers administratifs et de les fourrer sur une table à l'écart. Elle l'invita à prendre place sur la canapé et s'assit dans un des fauteuils à côté. Prenant une longue inspiration comme avant d'ouvrir la porte, elle reprit sur un ton froid tout en posant son regard bleuté presque noir sur le jeune homme :

"Je vous écoute..."

Seiko sentait son attente devenir douloureuse tandis que Nathanielle hésitait visiblement à lui répondre, prolongeant le silence gênant et plein de réflexions qui s’étirait déjà entre eux. Il déglutit, mal à l’aise, se rendant bien compte que si la Protectrice des Anges balançait ainsi, c’était que son opinion sur lui-même n’était pas vraiment positive. Quant enfin, après quelques secondes lourdes de sous-entendus, un petit rire réprobateur fit écho à sa demande, il crut son entreprise ratée. Que signifiait ce rictus ? Que Nathanielle le refusait ? Il faillit pousser un soupir en un signe de découragement quand la jeune femme consentit à un entretien.

Le visage du Déchu s’éclaira quelque peu et il pénétra à la suite de la Protectrice des Anges dans ce qu’il avait vu comme un appartement mal rangé. Il avait déjà vu des logements pires, cependant des piles de papiers administratifs entières s'alignaient sur les bureaux et notamment sur le canapé devant lequel il resta debout, ne sachant que faire. Nathanielle le sortit de son embarras en débarrassant le tout et en s’excusant pour le désordre.

"Ca n’a pas d’importance…" souffla t-il du bout des lèvres.

Sei remercia la jeune femme quand elle lui dit de s’asseoir et il s’exécuta, posant son céans tout au bord du canapé, tortillant ses doigts d’un air un peu embarrassé. La belle Ange s’assit sur un fauteuil en face de lui, l’observant d’un regard ourlé de bleu aussi perçant que celui d’un aigle. Elle lui avait demandé ce qu’il avait à dire d’un ton froid, cordial, qui signifiait clairement qu’elle garderait ses distances. Le jeune homme ne pouvait que la comprendre, cependant il se sentait comme scruté avec acuité et ce sentiment le déconcentrait.

**Je ne l’avais pas remarqué avant, mais…ce regard là…m’oppresse…C’est le regard d’un Ange qui observe un Déchu…le même regard que ces personnes que j’ai vu dans la rue, tout à l’heure…mais qu’est-ce qu’ils ont tous à me regarder comme ça ?**

Seiko releva la tête et regarda Nathanielle au fond des yeux, même si le fait de rester fixé sur ces pupilles ténébreuses lui donnait la désagréable sensation d’avoir des fourmis dans le corps. Il prit une petit inspiration et commença courageusement :

"Voilà…Vous…vous n’êtes pas sans savoir que je suis revenu dans la Cité récemment, et que j’ai eu la permission d’y vivre par Zira…Je ne dois pas vous faire une bonne impression, cependant…"

Le Déchu s’interrompit un instant, cherchant soigneusement ses mots. Il ne faudrait pas qu’il se trompe dans ses propos, au risque de créer une erreur d’interprétation qui pourrait ultérieurement se muer en quiproquo désastreux. Après quelques secondes de silence, il reprit :

"Je sais que les récents événements qui vous tiennent si occupés, le meurtre, les batailles en ville…tout ça, c’est de ma faute, j’en suis conscient. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais déjà quitté de nouveau la Cité des Anges, mais ça m’est impossible. Il y a quelqu’un qui me retient ici…et ce quelqu’un…c’est Zira."

Ouf, voilà, c’était dit. Au moins, il n’y aurait plus d’attente, plus d’angoisses inutiles ; il allait être fixé d’une seconde à l’autre. Comment allait réagir Nathanielle, sa propre sœur ? Allait-elle lui sourire en souhaitant à leur couple tout le bonheur du monde ? Non, sûrement pas. Le contraire, même. Sans doute allait-elle se mettre en colère, décrétant qu’elle lui interdisait dorénavant d’approcher à nouveau la Gardienne des Anges, le bannissant de la Cité une nouvelle fois. Il eu peur de cela et, avant que la jeune femme ai pu dire un mot, Seiko s’empressa d’ajouter :

"Je vous jure que je suis entièrement sérieux quant à notre relation. J’ai beau provoquer des événements néfastes autour de moi, quand il s’agit de Zira, il n’y a rien qui puisse nous arriver. Nous sommes les derniers Déchus, les derniers membres de notre espèce… Je l’aime, et c’est réciproque. Nous aimerions vivre heureux tous les deux. Alors…même si cette relation doit vous paraître problématique et un peu…hétéroclite…j’aimerais que vous la compreniez et que vous l’acceptiez !"

Nathanielle observait tranquillement le jeune homme qui était assis en face d'elle. Seiko devait avoir aux alentours de 20 ans et peut être le même âge qu'elle après réflexion. Elle était assez stressée par ce qu'elle allait apprendre étant donné que Seiko était allée jusqu'à lui demander une entrevue dans ses appartements. Elle s'attendait donc à toute sorte de possibilité de sa part et ne savait trop comment aborder le sujet ni même comment réagir.

C'est alors qu'il commença à parler. Il semblait visiblement anxieux et étrangement en quelque sorte intimidé. Elle ne paraissait pour autant pas aussi mauvaise qu'elle n'en laissait penser. Cependant, il est vrai qu'elle se montrait assez froide avec Seiko qui n'en méritait peut être pas tant. Oui, en effet, elle savait parfaitement qu'il était revenu dans la Cité et qu'il se faisait loger chez Zira. Oh oui, elle était au courant de tout cela. Elle commença à se méfier de ce qu'il allait suivre se doutant unpeu de la suite mais ne voulant pas se l'avouer.

Elle ne dit rien pendant les quelques instants de silence et le laissa reprendre. Si elle savait qu'il était revenu dans la Cité, comment ne pouvait-elle pas être au courant ? Certes, il faisait parti de ses soucis actuels mais il y avait aussi l'arrivée d'humains à la Cité qui avait chamboulé le rythme de travail de l'Ambassade d'où les piles de papiers administratifs qui trônaient dans son salon. C'est alors qu'il parla de Zira... Elle faillit éclater de rire et manqua de peu de s'étouffer tout en se retenant.

*Zira et Seiko... Ensemble ??!*

Elle voulut répliquer, demander s'il s'agissait d'une blague mais n'eut pas le temps car Seiko fut plus rapide qu'elle et reprit tout en argumentant sa thèse soutenue avec ferveur. Voyant l'air sérieux et soucieux de Seiko, elle sut que ce n'était en aucun cas une plaisanterie. Plus elle écoutait Seiko parler, plus elle sentait une colère noire monter en elle imperceptiblement. Une fois qu'il eut terminé, elle ne put contenir sa fureur plus longtemps et la laissa éclater ouvertement :

"Quoi ?! J'espère que c'est une BLAGUE ?! Comment est-ce que Zira a-t-elle osé ? Et sans même ME demander avant ? Sans même m'en informer, me prévenir ? Zira... et... et VOUS ? ENSEMBLE ?! Je n'arrive pas à le croire, c'est IMPENSABLE, IRREALISTE, IRREEL, tout simplement IMPOSSIBLE !! Vous COMPRENDRE ?! L'ACCEPTER ?! Vous rendez vous compte de ce que vous ME demandez, vous rendez vous compte de ce que vous m'apprenez aussi ANODINEMENT ?! Non, c'est INIMAGINABLE ! C'EN EST TROP... BEAUCOUP TROP !!"

Tandis qu'elle déclamait ou plutôt s'époumonait, elle s'était levée de son fauteuil et avait fait les cent pas dans le salon. Ses derniers mots avaient été criés. Le ton de sa voix sétait d'élever au fur et à mesure de ses paroles et elle s'était simplement laissée aller ne se contrôlant plus. Puis finalement, elle s'interrompit nette et alla calmement se rassoir sur le fauteuil en face de Seiko. Un léger sourire aux lèvres, elle reprit doucement :

"Je vous souhaite en tout cas plein de bonheur pour la suite."

Le rythme cardiaque de Seiko s'était accéléré quand il avait terminé son discours, dans l'attente de la réaction de Nathanielle. Il déglutit quand il vit qu'elle semblait en colère, mais le résultat dépassa de loin toutes ses pires craintes. La Protectrice des Anges répliqua avec une vigueur telle qu'un instant effrayé, il esquissa un geste de protection de ses bras.

"Mademoiselle Vahënel...calmez vous je vous en p..."

Mais la jeune femme ne lui laissa pas le temps d'en placer une. Le niveau sonore du sermon alla crescendo jusqu'à qu'il atteigne son zénith, Nathanielle qui s'était levée de son fauteuil hurlant sa frustration tout en faisant les cents pas. Soufflé par cette tornade de fureur et d'incompréhension, le Déchu resta un instant immobile, les yeux écarquillés, puis il baissa les yeux.

**Bon...première approche ratée...Pour l'effet de surprise, on repassera...**

Sei laissa le silence s'étendre quelque seconde après la dernière phrase prononcée par la Protectrice des Anges puis il releva la tête en sa direction. Maintenant que le choc de la première surprise était passé, il faudrait défendre son opinion avec ferveur. Tout allait se jouer dans les minutes suivantes. Le regard du jeune homme plongea courageusement dans celui de Nathanielle; il y resterait le temps qu'il faudrait, même si ces yeux ténébreux l'angoissait. Il ne fuirait plus.

"Mademoiselle Vahënel..." commença t-il doucement, joignant ses mains devant lui. "Je vous prie de nous excuser, Zira et moi. Il est vrai...que ne pas vous avoir prévenue était une faute...alors que vous étiez tout de même très concernée...Mais n’en prenez pas ombrage, s’il vous plaît. Si Zira ne vous a pas mise au courant avant cette date, c’était par crainte de votre réaction. "

Seiko se leva du canapé. Bien sûr, il n’avait aucunement l’intention de se mettre à hurler devant Nathanielle comme elle l’avait fait quelques secondes auparavant, mais il souhaitait qu’elle le voie mettre de la volonté et de la persévérance dans ses gestes. La perspective d’être de nouveau banni de la Cité lui faisait peur ; mais ce n’était rien en comparaison de celle de devoir quitter Zira à tout jamais. Ne plus voir son image…ne plus pouvoir sentir son parfum…ne plus pouvoir la toucher…non…il ne le supporterait pas…

"J’ai conscience que c’est une nouvelle très surprenante…que Zira et moi formons le couple le plus hétéroclite qui soit…qu’elle est de très haut rang, une dirigeante, et moi, un ex-banni…mais…nous nous aimons…chacun de nous a trouvé en l’autre une source de soutien et de réconfort…et devoir renoncer à notre relation serait la pire des nouvelles…croyez-moi, Mademoiselle Vahënel…"

La voix de Sei s’était mise à trembler lors des dernières syllabes. Il expira profondément avant de reprendre, d’une voix plus ferme:

"Vous êtes sa demi-sœur, vous avez donc dû plus le voir que n’importe qui…Zira vous a t-elle paru heureuse ces derniers temps ? Elle souffre, vous savez ; il est difficile d’être seule contre tous…Si il le faut…si cela peut vous rassurer…je m’engage à lui apporter ce bonheur, je ferais tout pour ça…Bien sûr, vous vous faites du soucis pour votre demi-sœur n’est-ce pas ? Il ne doit pas être rassurant de la savoir entre les bras d’un assassin…ou de quelqu’un qui a failli l’être…Mais je vous jure que les événements qui se sont déroulés il y a plusieurs années font partie de mon passé. J’ai tourné la page ! Comment puis-je vous le prouver ? Si vous ne me croyez pas, mettez-moi à l’épreuve ! "

*Il a l'air un peu dépassé par les évènements et par les sautes d'humeur que je lui fais subir*

Nathanielle ressentait de l'appréhension, de l'incompréhension, un mélange de peur et d'anéantissement chez Seiko. Elle ne savait pas trop comment interprêté tout ce fouillis de sentiments et fronça les sourcils. Cependant son regard bleuté ne le regardait plus et était posé sur la table basse, seule obstacle qui les séparait. Elle se perdit quelques instants dans ses pensées réfléchissant à son mot à dire dans cette relation qu'elle ne pouvait tolérer mais que pour le bien de Zira, elle devait accepter.

A bien y réfléchir, elle commençait à se demander si donner son avis changerait vraiment les choses. Bien sur que non, Zira resterait avec Seiko comme Seiko avec Zira. Peu importe ses maigres argument, ils n'auraient aucun poids face au couple. Malgré ses réflexions, elle écoutait attentivement les paroles du jeune homme. Autant lui dire simplement ce qu'elle pensait. Zira avoir peur de sa réaction ? Certes, c'était possible mais d'un autre côté, elle se disait que Zira n'en avait rien à faire de son avis personnel. C'est pourquoi, elle se permit de placer quelques mots :

"Je sais que Zira savait à peu près en parfaite connaissance de cause mes réactions et a du parfaitement s'imaginer en gros comment j'allais réagir face à cette nouvelle... Zira est aussi imprévisible que l'hiver, je n'ai aucun contrôle sur elle. Je ne sais que rarement ses pensées et ses sentiments. Percer ce mystère qui l'entoure n'est pas aisé et je suis étonnée que vous y êtes parvenu. Mais là n'est pas le but de notre conversation. Je veux juste vous dire que même si Zira a peur de ma réaction, au fond d'elle-même, elle la connaît déjà et c'est pour cette raison peut être qu'elle ne vous accompagnait jusqu'à moi..."

Elle s'interrompit tranquillement reprenant quelque peu son souffle. Tout en regardant Seiko se lever, elle eut peur qu'il ne s'énerve tout comme elle l'avait fait quelques instants plus tôt. Mais il n'en fut rien. Ses paroles laissaient à réfléchir et ce que son cerveau faisait à plein régime. Elle le laissa terminer puis tout aussi calmement, elle reprit choisissant ses mots et reprenant le fil de Seiko :

"Zira et moi ne nous voyons que très peu. Les rares fois où nous avons à faire l'une à l'autre est lorsqu'il y a problème concernant la Cité et le Monde des humains. Cela peut sans doute vous paraître étrange mais malgré que Zira soit ma demi-soeur, je ne la connais pas vraiment. Pas que je ne veuille pas mais que je ne puisse pas faute de temps. Les rangs qui nous ont été attribués à chacune ne nous permettent pas de se poser et d'avoir une vraie vie sociale et tout ce qui s'en suit. Vous dire si je l'ai trouvé heureuse ne vous servirait à rien. C'est à vous et vous seul d'en convenir... En effet, je me fais du souci pour Zira, encore plus avec tous ces évènements. Et vous faites parti de ces évènements ! Je n'ai rien contre votre personne, mais contre vos actes. Certes, c'est du passé mais un banni n'est pas une personne à qui je redonne ma confiance en claquant des doigts. Vous avez peut être tourné la page, je n'en doute pas une seule seconde. Seulement, sachez qu'au moindre faux-pas qui mettrait en danger la vie de Zira, vous pouvez être sur que vous ne reverrez jamais Zira ni la Cité..."

Elle se tut. Elle pensait avoir été concise et claire dans ses propos. Son regard inquisiteur et suspicieux, qui était resté passif jusqu'à maintenant, revint se poser sur Seiko qu'elle dévisagea une fois de plus.

Ouf, au mois, Nathanielle ne s’était pas remise à hurler en marchant de long en large comme l’avait craint Seiko. Il avait redouté un nouvel accès de colère de la part de la jeune femme en voyant qu’il insistait sur un point qu’elle ne pouvait tout simplement pas tolérer. Mais il n’en fut rien, car la Protectrice des Anges se contenta d’observer avec un calme olympien la table basse qui les séparaient. Le Déchu suivit son regard et se mit à fixer lui aussi le meuble, les yeux dans le vague, l’écoutant attentivement parler.

Ce que dit Nathanielle alors le surprit quelque peu, et il redressa la tête, la fixant du fond de ses yeux sombres. Mais le regard de la jeune Ange était toujours perdu quelque part sur la table basse et il ne put s’y accrocher. Avait-il bien entendu ? Ainsi, Zira connaissait tout de Nathanielle, y compris ses réactions, mais Nathanielle n’était au courant de presque rien concernant la Gardienne des Anges ? Avec une pointe de mélancolie, Seiko songea que, malgré leur lien de parenté, les deux jeunes femmes n’en étaient pas moins distantes l’une avec l’autre –faute de temps, de possibilité peut-être, il n’en savait rien.

Il s’apprêtait à émettre son opinion quand la Protectrice enchaîna sur un nouveau discours, somme toute du même ordre. Apparemment, Nathanielle en savait très peu sur Zira, et elle ne la voyait que pour des affaires administratives et des formalités d’usage. Encore ce même discours, remarqua Seiko frustré, des deux sœur distantes qui n’arrivaient pas à se connaître l’une l’autre malgré leur lien de sang. La jeune Ange continua sur cette lancée, déclarant qu’elle ne connaissait pas vraiment sa demi-sœur et qu’elle ne savait pas grand-chose d’elle.

**Mais d’abord pourquoi ne peuvent-elles pas se voir plus souvent, et qui en a décidé ainsi ?** s’interrogea t-il avec une pointe d’anéantissement.

Quand Nathanielle eut fini de parler, Seiko resta un instant silencieux, le regard dans le vague, puis ses yeux se posèrent sur ceux, veloutés, de la Protectrice des Anges qu’il fixa, plongé dans de profondes réflexions. Enfin, lentement et en choisissant précautionneusement ses mots, il déclara en réponse aux dernières paroles de la jeune femme:

"Jamais je ne mettrai la vie de Zira en danger, je le jure sur la mienne. Elle représente tout pour moi. J’ai conscience qu’il doit être pour vous très difficile de parvenir à me faire confiance…Que je n’ai aucune preuve de ce que j’avance…Mais j’ai vraiment tourné la page…Pour parvenir jusqu’ici, il a fallu que je fasse tant d’erreurs…mais je suis là aujourd’hui, et j’ai pu prendre du recul vis-à-vis de mes actes. J’ai pu différencier ce qui était bien ou mal, et je sais que mes intentions de l’époque étaient mauvaises. Comment puis-je me racheter ?"

Finalement, sans s’en rendre compte Seiko avait de nouveau amorcé un geste pour se lever du canapé. S’en apercevant, il rosit légèrement et se rassit, fixant ses pieds en réfléchissant à ce qui allait dire par la suite. Il aurait tant voulu pouvoir prouver à Nathanielle qu’il n’était plus le même Déchu qu’il y avait quelques années…qu’il avait définitivement tiré un trait sur son passé…Mais quand bien même la Protectrice des Anges le croirait, cela changerait-il vraiment quelque chose ? Car même alors, la haine ancestrale qu’avait les habitants de la Cité des Anges pour les Déchus serai présente. Rien ne pourrait jamais la faire disparaître complètement, pas même des siècles de cohabitation. Frustré, Sei se leva véritablement cette fois, et regarda Nathanielle d’un air déterminé.

"Et puis il ne sert à rien de s’attarder sur le passé…le temps ne va pas s’arrêter parce qu’on regarde par dessus notre épaule. Il n’est jamais trop tard pour faire quelque chose que l’on a pas fait, j’en suis la preuve vivante. Ne baissez pas les bras. Vous avez envie de connaître mieux Zira ? Faites ! C’est votre sœur, vous en avez le pouvoir ! Vous avez beau dire que vous ne la connaissez pas, vous savez par exemple qu’elle a deviné votre réaction quant à notre relation. Vous dites aussi qu’elle est imprévisible…c’est la preuve que vous avez déjà commencé à la cerner, ne serait-ce qu’un peu. Vous êtes sa sœur, malgré la distance, on ne peut pas défaire ce que la nature à fait, et il y a un lien indéniable. Je ne vous l’ai pas dit mais…lorsque vous souriez…vous ressemblez à Zira."

Seiko s’arrêta un moment et fit quelques pas dans la pièce, passant à côté du fauteuil sur lequel était assise Nathanielle pour aller contempler le paysage par la baie vitrée. Il devait être près de 10h30 maintenant, et le soleil était déjà haut dans le ciel, dardant ses rayons couleur de miel sur une Cité des Anges qui devait être en pleine effervescence. Le Déchu laissa un soupir lui échapper. Personne ici ne l’appréciait. Certains le détestaient même, d’une haine viscérale. Il n’avait aucun point d’encrage ici. Sauf Zira.

"Une dernière chose…Vous avez l’air de penser que votre avis n’a aucune influence dans votre relation, mais vous avez tord. Vous croyez vraiment que Zira se soucierait d’un avis dont elle n’a rien à faire ? Ne vous trompez pas, vous comptez beaucoup pour elle, quel que soit votre opinion. Elle ne sait juste pas comment l’exprimer."

Nathanielle était on ne peut plus calme. Elle n'avait plus aucune intention de s'énerver et de toute manière, elle avait épuisé toutes ses forces à s'époumoner quelques instants plus tôt. Et puis, le sujet de la conversation avait légèrement dévié et il n'y avait plus motif à se mettre en colère. Bizarrement, elle se demandait ce que Seiko pensait véritablement d'elle... Elle chassa cette idée saugrenue de sa tête afin de se concentrer sur la présente discussion.

Son regard bleuté était captivé par celui de Seiko. Il venait de finir ses premières paroles d'un question qui la laissa pensive. Elle refit surface quelques seconde après et répondit d'une voix étrangement calme pour ce qu'elle allait prononcer :

"Vous n'avez pas à vous racheter... Si Zira vous a choisi, c'est que quelque chose chez vous n'est pas commun. Zira est très difficile et ses relations n'ont été que très limitées et passagères. Qu'elle est enfin trouvée, je l'espère, la bonne personne en vous me réjouit et m'enchante. J'ai déjà ma preuve, la preuve que vous avez changé, que vous avez tourné la page, grâce à Zira..."

*Je me demande si leur relation durera longtemps. Zira est tellement changeante. Il faudrait que ce soit le bon, il le faudrait et pour elle et pour la Cité...*

Nathanielle avait parfaitement conscience que la haine entre Anges et Déchus ne cesserait jamais et qu'elle s'amplifierait peut être au fil du temps. De plus, les Anges, au départ plus nombreux, commençaient à se faire concurrencer par les Déchus. En effet, elle avait remarqué un nette évolution du nombre de Déchus dans la Cité et ce n'était pas un mal. Cela remettait un peu d'équilibre entre les peuples.

Il recommença à parler et ce qu'il lui dit lui alla droit au coeur. Elle demeura silencieuse même après qu'il est fini. Il avait dans un sens raison, mais dans l'autre, d'autres paramètres entraient compte et ne jouaient pas en sa faveur. Elle ne lui fit pas remarquer et resta muette. Ce fut ses quelques derniers mots qui la touchèrent profondément. Elle baissa la tête et rougit face à cette remarque. Elle prononça dans un murmure :

"Merci beaucoup..."

Elle le regarda passer à côté de son siège puis se diriger vers la baie vitrée. Le paysage de la Cité lui avait toujours paru magnifique et elle ne s'était jamais lassé de le regarder. Elle ne regrettait pas d'avoir mis cette baie. Elle soupira légèrement comme une réponse au soupir de Seiko. Puis reprit après les derniers mots du jeune homme :

"Merci de m'avoir éclairé, Seiko... J'ai souvent l'impression de mal faire et de décevoir les gens même si j'aime les aider et les écouter lorsqu'ils ont des soucis ou juste besoin de conseils. Je te remercie de m'avoir ouvert les yeux à propos de Zira, je saurais me montrer plus intéressée. Je te demande juste de faire attention à ma demi-soeur, elle a besoin de toi..."

Sans même sans rendre compte, elle venait de tutoyer Seiko...

Maintenant que la discussion était on ne peut plus entamée, Nathanielle paraissait beaucoup plus calme, et cela rassura Seiko. Visiblement, elle était disposée maintenant à l’écouter ; ils pourraient parler tous deux tranquillement, et c’est cela qu’il avait voulu depuis le début.

Quand il eut achevé ses toutes premières paroles, demanda à la Protectrice des Anges avec un air éperdu comment se racheter, la jeune Ange répondit quelque chose qui à la fois le surpris énormément et le ravit. Ainsi…elle le croyait ! Grâce à Zira, Nathanielle avait enfin la preuve que Sei avait tiré un trait sur son passé. Il remercia mentalement de tout son cœur celle qu’il aimait et adressa à la jeune femme un sourire ému.

**J’ai honte d’avoir pensé qu’elle m’oppressait…Nathanielle est on ne pet plus gentille…je crois juste qu’elle souffre profondément de ne pas pouvoir faire ce qu’elle veut, à cause de ses responsabilités…La pauvre…en fait, elle avait autant de mal que Zira.**

Lorsque Seiko lui parla ensuite de sa demi-sœur, la poussant de ton son cœur à se rapprocher d’elle, il eut peur en voyant de silence qui s’étirait entre eux d’être allé trop loin. Oui, après tout, de quoi se mêlait-il ? Qui était-il pour dicter sa conduite à la Protectrice des Anges en personne ? Mais tout ce qu’il avait dit, il l’avait pensé. Et en tant que compagnon de Zira, il se sentait vraiment concerné.

Puis elle le remercia. Sei ressentit la même chaleur s’insinuer en lui que la vue de son aimé lui apportait. Visiblement ses paroles étaient allées droit au cœur de Nathanielle, et il en était le premier heureux…son message était passé. Elle soupira en écho à lui-même, et lui dit ce qu’elle avait sur le cœur ; avoir peur de faire des erreurs, avoir la volonté de faire quelque chose, sans pour autant avoir la conviction d’en être capable…le Déchu connaissait tout cela mieux que personne.

"Moi" fit-il en se retournant d’une voix de défi, "je trouve que vous administrez la Cité de façon admirable. Vous êtes juste…égale…compréhensive…peut-être que personne ne serait capable d’en faire autant. A votre avis, pourquoi suis-je revenu ici ? Rien ni personne ne m’y attendait, à part la haine des Anges…Mais…dans un fol espoir je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il y aurait peut-être de la place pour moi…car celles qui dirigeaient la Cité, deux magnifiques jeunes femmes…étaient des êtres généreux et indulgents…Deux femmes hors du commun, à la volonté extraordinaire...Deux femmes dont le courage est capable de tout balayer…deux êtres forts…qui regorgent d’espoir…"

Perdu dans ses pensées Seiko se tut un instant, puis, abandonnant la contemplation du paysage par la baie vitrée, contourna le canapé et vint s’y asseoir à côté de Nahanielle pour la regarder dans les yeux. Il venait de s'apercevoir que la Protectrice des Anges l'avait tutoyé...cela lui fit chaud au coeur.

"Ne vous faites pas d’inquiétude. Je prendrais soin de Zira, autant qu’il sera nécessaire, je vous le jure sur mon âme. Elle m’est plus précieuse que n’importe qui d’autre…"

Nathanielle n'eut pas le temps de se lever du canapé où elle était si confortablement installée. En effet, après avoir écouté ses paroles élogieuses qui la laissèrent pensive et ailleurs, il vint s'assoir à ses côtés. Elle commença alors un semblant de réponse :

"J'aimerais te donner raison... j'aimerais... mais..."

Elle s'arrêta là cherchant ses mots dans le désordre de son esprit. En fait, elle n'avait rien à répondre, pas même une seule phrase cohérente, pas même un mot réfléchi. C'est en fermant les yeux qu'elle arriva à reprendre contenance et à réaliser complètement ce que venait de lui dire le jeune homme. Et dire qu'il la considérait comme une magnifique jeune femme généreuse, indulgente, hors du commun, volontaire, courageuse et j'en passe et des meilleurs.

*L'espoir fait vivre dit-on...*

Elle rouvrit lentement les yeux et tourna la tête dans sa direction. Son regard se posa sur lui dans un silence impressionnant. Les quelques derniers mots de Seiko la rassura une dernière fois, comme une confirmation à tout ce qu'elle avait déjà entendu, comme une dernière preuve de toute la démonstration qu'il avait énoncé, comme une plume s'étant enfin posée sur le sol bien que froid. Un sourire se dessina alors sur ses fines lèvres tandis que son regard pétillait de bonheur.

La vue des piles de papiers administratifs la ramena à la réalité et elle constata qu'elle avait encore pas mal de travail à accomplir. Il lui fallait donc terminer avec cet entretien ce qui était en parti fait. Ils s'étaient tout dits, tout ce qu'ils pensaient, ce qu'il avaient sur le coeur. De son côté, elle n'avait plus rien à rajouter. Ah si, peut être une seule chose, une seule demande, sans importance.

"Tu peux me tutoyer..."

Elle se leva à la suite de ses quatre mots et tout en regardant le jeune homme, elle reprit doucement :

"Je pense qu'il est temps pour nous de nous quitter... J'en suis désolée mais le devoir m'appelle. Cet entretien m'a beaucoup appris et m'a aidé et je t'en remercie de tout coeur." et elle ajouta très professionnellement mais avec un sourire malicieux et une main pointée vers la porte d'entrée : "Vous pouvez disposer."

Lorsqu’il était venu ce matin à l’Ambassade, se lançant à l’assaut du bâtiment la volition au cœur, Seiko ne se serait jamais douté que l’entretien virerait ainsi, mais à vrai dire, il en était très heureux. Il avait obtenu tout ce qu’il désirait (à savoir le consentement de Nathanielle concernant sa relation avec Zira) mais aussi bien plus encore : la confiance de la Protectrice des Anges. Cela rendit son cœur encore plus heureux. A présent, il se sentait bien, léger, et aussi à l’aise avec la jeune femme, comme si il l’avait connue depuis toujours.

Elle avait hésité, balbutié, déclarant qu’elle aimerait lui donner raison, et Sei s’était contenté de l’observer une nouvelle fois, sans mot dire, un sourire compréhensif étirant la commissure de ses lèvres. Et puis, après un long instant de silence qui aurait pu paraître gênant mais qui en réalité ne l’était pas du tout, Nathanielle sembla revenir à la réalité à la vue de ses piles de papiers administratifs.

Il sentit encore une fois une drôle de chaleur s’emparer de lui quand la Protectrice des Anges déclara qu’il pouvait la tutoyer.

"Oui…" approuva le Déchu dans un murmure.

Seiko fut aimablement congédié, et, avant de sortir, regarda une nouvelle fois la jeune femme sur le pas de la porte.

"C’est moi qui te remercie…Je n’oublierais jamais ce que tu as fait aujourd’hui et t’en serais éternellement reconnaissant. J’espère que tu trouveras le temps de remplir tout ça…" ajouta t-il en désignant d’un signe de tête les papiers de gestion entassés sur le bureau…et ce disant il fit volte-face, adressant un dernier salut de la main à Nathanielle avant de s’élancer dans le couloir…

Pourtant arrivé au bout de celui-ci il s’arrêta. Devant lui les escaliers s’enfonçaient en spires dans les profondeurs du bâtiment, et derrière lui subsistait cette immense, magnifique, étincelante baie vitrée, noyée de soleil et de beauté. Conquit de nouveau Sei s’assit à même le sol, et sortit de son sac à dos son éternel bloc à dessin, avec un critérium fin. D’une main légère, il dessina la Cité qu’il voyait, avec en arrière plan, l’observatoire, sur un fond de ciel impénétrable.

Quand son œuvre fut finie, le Déchu se leva, griffonna quelques mots sur le papier et, après l’avoir plié en quatre, retourna sur ses pas et le glissa sous la porte de la Protectrice des Anges. Après ça, il regarda une dernières fois la vue panoramique, avant de s’évanouir dans un rayon de soleil.

Sur le papier, on pouvait voir le dessin du paysage, avec représenté, volant au dessus, une Ange, ailes déployées sur toutes leur envergure, et qui avait le visage de Nathanielle. Dans le coin inférieur droit, on pouvait lire :

Nathanielle écouta les quelques dernières paroles de Seiko avant qu'il ne parte pour de bon de chez elle. Cela la fit sourire... Finalement, il n'était pas méchant. Elle n'avait plus à se poser des questions sur son compte, plus à s'inquiéter, plus à s'énerver tout en évoquant son cas, plus à se soucier de lui ou tout du moins, pas concernant Zira. Et même, il savait ce qui l'attendait si problème survenait... Sortant de ses pensées, le sourire aux lèvres, elle répondit brièvement :

"Je trouverais le temps, ne t'inquiète pas. Qu'importe, il y a plus important, une jeune beauté t'attend..."

Elle n'en dit pas plus, les yeux brillant de malice. Elle le regarda se retourner vivement, s'enfuir dans le couloir pour finalement disparaître au tournant, se volatiliser tel un prestidigitateur et s'évanouir dans un silence magique. Quelques étincelles auraient même pu se glisser dans la scène sans qu'elles paraissent hors sujet... Elle soupira légèrement presque de peur de briser ces quelques secondes de flou. Tout en fermant les yeux, elle passa une main sur sa nuque cherchant à se détendre.

Elle rouvrit les yeux et constata qu'elle s'était adossée à l'encadrement de la porte sans s'en rendre compte. Un second soupir de sa part vint finalement briser la magie du couloir. Et le couloir redevint froid, austère et peu accueillant. Un frisson lui parcourut le dos. Elle se retourna à son tour, rentra dans ses appartements et ferma la porte... Le regard posé sur la porte, elle n'eut pas le temps d'entamer un demi-tour vers la pile de papiers administratifs qu'elle apperçut un bout de papier blanc se faufiler sous sa porte. Le regard interrogateur, elle se baissa et le saisit délicatement. Elle se dirigea vers son canapé, s'assit sur le rebord et déplia lentement le papier qu'elle venait de ramasser...

Il s'agissait d'un dessin, magnifiquement... dessiné. Nathanielle demeura sans voix. Le paysage était si... ressemblant mais cela était sans parler de la personne qu'il avait représenté. Le visage de cette personne lui ressemblait étrangement. C'était d'une beauté éblouissante... Un sourire étira le coin de ses lèvres. Elle en était convaincue, c'était lui...